Pour un réel débat démocratique sur les coûts sociétaux de la 5G

, par denis

Le déploiement de la 5G comporte des menaces potentiellement graves ou irréversibles pour l’environnement, la société et la santé. L’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte à ne pas se prémunir de ses effets et dommages, c’est d’ailleurs à cette fin que la loi prévoit un principe de précaution. Dans l’attente d’un vrai débat démocratique, d’évaluations minutieuses et indépendantes des risques liés à la technologie 5G, nous, associations signataires, demandons un moratoire immédiat sur son déploiement.

Nous rappelons par ailleurs que le gouvernement bruxellois s’est engagé à organiser un débat public sur le déploiement de la cinquième génération de téléphonie et de l’Internet mobile. Le 17 juin dernier, en commission environnement et énergie au Parlement bruxellois, le Ministre Alain Maron, en charge de la transition climatique, de l’environnement de l’énergie et de la démocratie participative, exprimait sa volonté de mener un débat public sur la 5G. "Il faut que tout le monde puisse comprendre les enjeux au niveau de l’environnement, de la santé, de l’économie et des usages ", déclarait-il au journal L’Echo le même jour.

Nous nous étonnons que les citoyen.nes, comités d’habitant.es, groupes et mouvements sociaux, associations... n’aient pas été informés à ce jour sur les modalités et objectifs du débat ni sur la manière dont les conclusions seront mises en oeuvre. En préalable à ce débat, il nous apparaît incontournable que les questions et enjeux sociétaux qui baliseront les thématiques du débat, ainsi que la sélection des "experts" qui seront invités à instruire les questions spécifiques (énergétique, biodiversité, mutation de l’emploi, accès aux données...), soient élaborés et choisis en concertation avec la société civile.

Nous refusons le lissage de questions essentielles et la caution démocratique d’un débat public qui ne serait en fait qu’un exercice de "pédagogie", expliquant aux citoyens, alors que tout aurait déjà été décidé en petits cercles fermés, le bien-fondé du déploiement de la 5G. Nous voulons un véritable débat sur les trajectoires techno-scientifiques qui nous sont aujourd’hui imposées sans nulle concertation.

Presque deux ans après la grande manifestation pour le climat qui a mobilisé 72.000 personnes dans les rues de la capitale, et alors même que nous sommes au coeur d’une crise sanitaire et écologique majeure, le "monde d’après" continue à être confisqué par les ténors de la croissance économique. Pour ceux-ci, la rentabilité semble être le seul objectif visé, sans jamais questionner les usages et les besoins. Dans ce contexte, la 5G est vendue comme une technologie verte, présentée comme un outil indispensable à la lutte efficiente contre le changement climatique et pour la protection de l’environnement. La stratégie de croissance européenne, couchée dans le "Green Deal", serait "adaptée à l’ère du numérique, transformant les défis climatiques et environnementaux en opportunités et en garantissant une transition juste et inclusive". Au menu de ce "pacte vert" européen : intelligence artificielle, 5G, informatique en nuage, super-calculateurs, traitement des données à la périphérie (edge computing) et internet des objets.

"Cette "relance" prétendument verte est pourtant antinomique avec les objectifs visés : croissance de la consommation énergétique, croissance de l’extractivisme des métaux et déplacement de la pollution dans les pays non-européens, productivisme et surconsommation d’appareils numériques et de gadgets connectés, destructions des habitats naturels et de la biodiversité, dématérialisation croissante des services publics et privés qui renforce les inégalités...

En tout, ce sont 515 milliards d’euros d’investissements qui seront nécessaires dans l’ensemble de l’Union européenne d’ici à 2025 pour parvenir à l’objectif fixé d’orienter l’Europe vers une "société du gigabit" [1]. La Belgique entend y contribuer, comme tous les États membres de l’Union, en investissant l’argent public dans des entreprises privées.

Voulons-nous que cet argent public soit investi dans de nouveaux marchés, créant de nouveaux besoins incompatibles avec la protection de environnement, ou souhaitons-nous qu’il soit investi dans des structures et des services publics essentiels à toutes les personnes vivant en Belgique ?

Acceptons-nous de laisser s’implanter une technologie dont les effets sur la santé et la biodiversité sont encore mal connus et nullement maîtrisés ?

Voulons-nous d’une société où le numérique aura investi chaque espace-temps de nos vies, au profit des industriels qui pourront exploiter la manne de données nous concernant ?

Ces questions, et bien d’autres, doivent maintenant être mises à l’agenda d’un véritable débat public et démocratique sur la 5G.

Signataires :

Inter-Environnement Bruxelles, Attac Bruxelles, Acteurs et Actrices des Temps Présents, Bruxelles grONDES , Ondes.brussels, Domaine Public, CADTM Belgique, TACTIC asbl, NUBO, Technopolice.

[1]"Europe connectée : objectif 2025". Rapport d’information n° 389 (2016-2017) de MM. Pascal ALLIZARD et Daniel RAOUL, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 9 février 2017, www.senat.fr

Voir en ligne : Le Vif

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